Le don de cette partie de soi si précieuse qu’est sa chevelure est pratiquée depuis l’antiquité & perdure encore aujourd’hui.
Dans l’Égypte pharaonique, il était d’usage d’offrir sa première chevelure à un fleuve ou une rivière. Cela peut aussi remercier le dieu qui a exaucé le vœux qui lui était adressé, comme la reine Bérénice qui a offert sa chevelure à Aphrodite au retour victorieux du roi Ptolémée Évergète.
En Grèce, l’oblation de la chevelure, totale ou partielle, correspondait à un passage d’âge. Les jeunes éphèbes coupaient leurs cheveux & les consacraient à Apollon.
À Sparte les Lacédémoniennes se rasaient le crâne le jour de leur mariage & en offraient les mèches à Artémis.
En Argolide, à Trézène, les très jeunes filles coupaient une de leurs longues boucles & la portaient au temple d’Hippolyte.
Ces rites signifiait l’abandon de la vie sauvage pour le monde cultivé, le passage brusque de l’enfance au mariage.
L’oblation de la chevelure est un geste d’humilité & de renoncement à la vie laïque, il représente, avec l’habit, le signe distinctif d’une appartenance à la communauté monastique. Alors que le religieux va répéter ce geste de rasage tout au long de sa vie, le pèlerin ne le fait qu’une ou deux fois. Il en diffère par son caractère exceptionnel.
Actuellement le don le plus connu est celui qui s’effectue au temple Tirumala Tirupati dans l’état d’Andrha Pradesh, en Inde.
Venus de toute l’Inde, des milliers de pèlerins accompagnés de leur famille, s’y rendent chaque jour pour prier Venkateshvara, dieu de la richesse, l’une des formes de Vishnou. Ils y font un vœu ou y retournent pour remercier quand le vœu a été exaucé.
Le rite, lors de ces démarches votives consiste à offrir sa chevelure au dieu, en se faisant raser entièrement la tête. Ce geste d’abnégation s’accompagne d’offrandes telles que pierres précieuses, statues en or ou billets selon ses moyens.
Le rasage s’effectue 24h sur 24, par des centaines de barbiers qui officient à la chaîne dans un bâtiment de quatre étages. Après avoir payé une taxe pour franchir l’enceinte du temple, chaque pèlerin reçoit un ticket numéroté, puis il est appelé par un barbier qui le rase gratuitement.
Ce dernier utilise un rasoir coupe choux sur les cheveux simplement mouillés. Il les fait tomber au sol, avec la barbe & la moustache pour les hommes. Tous les poils de la tête, dans un silence que seuls les pleurs des bébés troublent, sont sacrifiés au dieu. Chacun sort ensuite en se touchant le crâne, pour faire une offrande à l’extérieur du temple, briser une noix de coco sur les marches et enfin voir la statue noire et rouge de Vishnou à l’intérieur. Ce don de cheveux n’a pas de but utilitaire, même si ensuite le temple vend ces tonnes de cheveux aux usines qui les transforment en perruques , tresses ou extensions.
Ce rite est une marque de dévotion au dieu. Le sacrifice de la chevelure, surtout chez les femmes indiennes qui y apportent beaucoup de soin, est un geste qui manifeste la force de sa foi.
Il rejoint celui qu’accomplissent le moine & la nonne dans le christianisme à la prise de vœux, le bikku & la bikkuni dans le bouddhisme.
Partie détachable du corps, bien précieux parce qu’attribut identifiable & unique d’un individu, la chevelure a été & reste une offrande appréciée des religions polythéistes & monothéistes.
Je sollicite le don de cheveux lors d’expositions. Les visiteurs sont invités à donner un peu de leurs cheveux. Après les avoir coupés ils les placent dans des sachets transparents qu’ils accrochent au mur de la salle. Les cheveux donnés rejoignent le millier d’autres dans ma collection de mèches de cheveux que j’ai nommée la «Trikhothèque».