Chez les Yorubas, peuples qui vivent en Afrique de l’ouest ( Nigeria, Bénin, Ghana, Côte d’ivoire & Togo ) la naissance d’un enfant est soigneusement observée pour y trouver les signes, « apportés de l’autre monde« , révélateurs de son identité & de sa destinée.
La fontanelle étant considérée comme le point de rencontre entre le royaume terrestre & le monde des dieux, il faut par l’observation de la tête du nouveau-né, déterminer s’il vient de la lignée maternelle, de la lignée paternelle ou d’une lignée divine.
Pour les Yorubas les cheveux sont signifiants dès la venue au monde.
Un enfant qui naît avec une chevelure fournie appartient à la dernière catégorie. Il vient au monde grâce à Olokun, déesse de la mer.
Sa chevelure épaisse, drue, qui se dresse en mèches bouclées évoque une couronne de coquillages. Il sera célébré joyeusement par des chants & des danses & il deviendra un adorateur d’Olokun & des esprits des eaux.
D’autres enfants, appelés Dada, à cause de la densité de leurs cheveux, viennent aussi du royaume sacré. Pour éviter qu’ils ne désirent le rejoindre rapidement, une cérémonie est instituée après consultation d’un devin.
La tête de l’enfant est rasée, les cheveux sont cachés dans un endroit tenu secret & des offrandes sont offertes. La famille peut alors célébrer cette naissance de bon augure, porteuse de richesse & de chance.
Chez les Yorubas, les cheveux sont considérés comme la manifestation de la dimension intérieure, spirituelle de la tête & de la personne, car la tête est composée de deux parties : la tête physique, extérieure & la tête spirituelle, intérieure.
Cette dernière est le lieu de la personnalité, du caractère & de la destinée de la personne. Elle contient tout ce que cette personne a choisit dans l’autre monde avant de venir au jour.
La tête permet aussi aux dieux de pénétrer à l’intérieur des personnes qui sont leurs fidèles.
Pour ce faire elle doit être préparée lors d’une cérémonie initiatique. Elle est rasée & peinte de couleurs & de dessins symbolisant les dieux. Là où se trouvait la fontanelle, les prêtresses déposent des substances dotées de pouvoir, qui vont permettre la repousse des cheveux en une touffe, au sommet de la tête.
Ce point concentre les pratiques initiatiques, par ce qu’avec ce rituel, l’initié renaît, sa vie est transformée, comme en témoigne sa touffe de cheveux.
M.I. Ogumefu dans « Légendes Yorubas » écrit qu’un mythe yoruba explique pourquoi les femmes aiment avoir de beaux cheveux longs : une femme tomba un jour dans un trou profond creusé par une voisine querelleuse. Pour la sortir ses amis la prirent par les cheveux & la tirèrent si fort que ces derniers s’allongèrent.
D’abord humiliée par cette longueur nouvelle, elle se cacha, puis s’apercevant que cela la rendait plus belle, elle en fut très fière & se montra.
Elle se moqua des autres femmes aux cheveux courts comme ceux des hommes & les rendit jalouses de sa longue chevelure. Elles décidèrent alors de faire comme elle & depuis ce temps toutes les femmes aiment porter les cheveux longs.
Cette légende s’est perpétuée dans la cité d’Owo, où l’on rend chaque année hommage à la reine Oronsen, réputée pour sa beauté, sa richesse, mais surtout pour sa chevelure extraordinaire. Pendant la fête, les jeunes filles sont coiffées en chignons très élaborés, comme ceux qu’a dû porter la reine.
Les plus belles sont celles qui appartiennent à la famille royale. Elles ont trois chignons hauts qui tiennent verticalement sur le sommet de la tête, derrière une ou deux rangées de tresses qui vont d’une oreille à l’autre à la limite du front. Les cheveux sont impeccablement tenus, formant une véritable sculpture sur leur tête.
Les canons esthétiques yorubas concernant la coiffure sont très précis. Elle doit toujours être « adéquate« , bien appropriée à la personne qui la porte, car elle rehausse son apparence physique & sa position sociale.
La répartition des cheveux doit être nette & précise, avec des lignes de division bien droites & un équilibre dans les formes doit être respecté.
Dire à une personne que sa coiffure est incomplète constitue une injure & une malédiction terrible.
C’est pourquoi on lui dit « que cette coiffure te soit appropriée » quand elle se fait coiffer, signifiant par là « que cette coiffure te porte chance« .
Une personne qui ne prend pas soin de ses cheveux est considérée comme asociale, impolie ou immorale.
Même si la nature de la tête est déterminée avant la naissance, chacun peut la travailler pour en développer les potentiels positifs. Il faut donc la rendre la plus séduisante possible en l’embellissant de multiples façons.
Les femmes passent énormément de temps à inventer des coiffures splendides.
Les coiffeurs artistes des cheveux portent un nom précis, onidiri. Ils créent des coiffures de trois sortes, selon la technique employée.
L’irun biba, correspond à des cheveux tressés de manière peu élaborée & concerne surtout les enfants.
L’irun didi ou d’olowo, divise les cheveux en dessins complexes en les tressant à la main.
L’irun kiko ou olowu consiste à tresser les cheveux avec un fil plus ou moins rigide.
Les hommes portent une coiffure sobre & soignée à laquelle ils ajoutent des matériaux précieux ou dotés de pouvoirs comme les perles, les coquillages, le cuivre ou les « médecines » comme l’explique H. J. Drewal dans l’article « Coiffures chez les Yoruba » .
Ces coiffures magnifiques se retrouvent dans la sculpture yoruba. Elles nous offrent leur précieux témoignages sur l’inventivité créatrice en matière d’art capillaire. Les masques en bois, les figurines en ivoire, les statuettes & les bâtons de danse montrés dans l’exposition « Parures de têtes » qui s’est tenue au musée Dapper à Paris en 2004 en étaient d’excellents exemples.
Pour les Yorubas les cheveux sont porteurs de signes. Leur interprétation revêt dès lors une grande importance. Un rôle universel que tiennent les cheveux, un jeu de déchiffrement auquel je me suis livrée.